J'ai rêvé mon jardin...

Publié le par sonja


"Jardin Nature" nous livre cette fois-ci encore, une belle envolée de beauté et de coups de coeur.
Je m'y suis attardée avec un tel bonheur. J'ai pensé que dérouler sur la toile internet la magie de quelques pages couleurs et saveurs ne serait pas une si mauvaise idée.
Terre Sauvage nous donne toujours de magnifiques reportages qu'on peut faire notre.
A travers "Quatre Saisons", j'ai pris le pas avec Nathalie et Véronique, pour m'imaginer un peu dans leur jardin merveilleux. Jardin que je vais rêver être le mien. Voilà pourquoi je vais vous le raconter comme elles ont si bien su l'écrire. Je n'y touche même pas la plus petite ligne...

"Mon jardin, j'aimerais qu'il soit complice de mes choix mais, souvent, il n'en fait qu'à sa tête.
Tenez, ce printemps, la clématite, qui se languissait depuis trois ans, est soudain prise d'exubérance, comme si elle découvrait le treillage disposé à portée de ses vrilles. Telle une savante dentellière, elle passe et repasse ses volutes dans les mailles du bois, en offrant au soleil une multitude de projets de fleurs. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, le romarin, planté à distance de son pied, est lui aussi luxuriant, attirant sur ses dernières fleurs l'élite des bourdons. L'aromatique buisson assure ainsi fraîcheur aux racines de la belle et confine l'adage des jardiniers : "Clématite, tête au soleil et pied à l'ombre." La clématite n'est pas la seule à être prise de fureur printanière. Les framboisiers, qui ressemblaient, il y a encore quelques semaines, à des bâtons sans vie, sont assaillis de liseron. Le traitre me prend chaque année de vitesse. Quand je le démasque, il les a déjà, avec assurance, enlacés. Alors, je le sectionne sans égard. Puis, le lendemain, je passe des heures à démêler sa tige amollie de celles, hirsutes, des framboisiers, en évitant d'étêter leurs inflexibles bourgeons. Je reconnais que l'enroulement régulier, et toujours dans le même sens du liseron a quelque chose de magique, mais j'aime trop les framboises chaudes au soleil pour le laisser faire. Fourageant aux pieds des framboisiers, je me suis fait peur en effleurant le prince charmant du jardin, un crapaud commun, à peine réveillé de son sommeil hivernal. Immobile, il me regarde et je me demande comment il me perçoit. Sous sa peau fine et poudrée de terre, je vois battre son pouls. Comme il prend la direction des fraisiers, j'aimerais lui indiquer la troupe de limaces, ces baveuses grises réfugiées en bout de terrasse, sous le bac qui tente de ceindre les iris. Mais puisqu'il est d'une espèce protégée, je ne me risque ni à le toucher, ni à le déplacer. Tant pis si le gardien de mes salades s'offre une ventrée de fraises, plutôt qu'un festin de limaces. Les étourneaux, dont je n'ai pas encore compris quel service ils pouvaient me rendre, se sont bien gavés de cerises à peine rosées, au mépris des épouvantails !

Entre deux rangs d'oignons, les carottes se serrent, il est grand temps d'éclaircir leur rang. Avec la fourche, je soulève doucement un bloc compact de jeunes recrues, j'extirpe les plus chétives de l'écheveau des radicelles, puis je tasse à la main la terre autour des élues. Par curiosité, j'ai croqué les maigrelets tubercules encore pâles. Vous me croyez si vous voulez, ils avaient déjà le goût de carotte.

Je voudrais être une promeneuse, profitant de la lumière, des odeurs et des points de vue, sans autres idées en tête. Mais cette posture n'est possible que dans le jardin des autres. Sur mon lopin, le chemin est jalonné de sollicitations. Un matin, c'est le groseiller qui m'appelle à l'aide. Ils est attaqué par une brigade de larves gloutonnes, des tenthrèdes qui réduisent ses feuilles à une dentelle de nervures. Je pose un collier de glu pour le protéger des assauts d'une nouvelle génération. Un autre jour, ce sont les pieds de courgettes affalés qui crient leur soif. Je donne un coup de binette à la croûte de terre imperméable qui les enserre. J'ai mis du temps à comprendre le diction : "Un binage vaut deux arrosages." A présent, il ne se passe pas une journée d'été sans que je bine. Gratouiller la terre apporte son lot de révélations. J'ai ainsi vu des larves blanchâtres dans des cocons terreux se métamorphoser en cétoines dorées. Je tombe souvent nez à nez avec des plantes que j'ai du mal à identifier sous leurs traits juvéniles. Cette année, j'ai failli exterminer des nigelles de Damas, surgies à un endroit où je ne les attendais pas. Elles soulignent à présent de leurs jolis plumets bleus le pied d'artichaut qui fleurit à l'arrière-garde du potager. De toutes ces herbes qui s'installent sans y être invitées, ma préférée est la capselle bourse-à-pasteur. Courtoise, elle n'étouffe jamais les autres avec ses feuilles en rosette. Parmi la foule des quémandeurs, les tomates sont les championnes. Sitôt que je les frôle, elles répandent, comme un cri silencieux, leur odeur métallique. Pour que je m'occupe d'elles chaque jour, elle ne manquent pas d'inventions. Elles s'écartent de leur tuteur, elles déploient de nouveaux gourmands, drus et vert, tendre à l'aiselle de leurs feuilles, elles invitent d'irascibles champignons.

Lors de ma tournée, je m'attarde sur les plantations de l'année. Je prends des nouvelles de la touffe d'heuchères, choisie pour son nom poétique de "désespoir du peintre", dont je n'ai pas encore vu la couleur des fleurs. En furetant sous les  buissons, je cherche la cachette du hérisson que j'entends, le soir, grogner ou racler son balai-brosse contre l'arrosoir en fer blanc. J'aimerais qu'il établisse son logis dans mon jardin et, pour lui plaire, je tolère les morveuses limaces. Avec ma manie de farfouiller, j'ai trouvé le nid d'une musaraigne. Dans l'herbe enchevêtrée, de petits boudins roses se tortillaient et piaillaient. Leur mère avait du filer prendre un rapide déjeuner. Quelle désinvolture ! Pour eux, j'ai instauré un plan de sauvegarde, avec détournement de tondeuse autour du nid.

Le lieu n'est pourtant pas si vaste et, depuis le temps, j'aurais dû m'en lasser. Pourtant, la surprise est à chaque fois renouvelée.
Cette année, les physalis arrivent à maturité. Lies orangées, enfermées dans leur calice de papier finement ciselé, leur valent le surnom "d'amours en cage". Mais c'est celui de "coquerets du Pérou" qui m'a fait rêver en les commandant. J'ai hésité à en croquer, habituée à me méfier des baies attirantes. De fait, elles sont plus comestibles que délicieuses.
En ce début d'automne, le déferlement végétal est à son apogée.
Les capucines, qui ne s'en sont pas laissé conter par les pucerons, étirent leurs tiges jusqu'au centre de l'allée. Elles ne semblent pas prêtes à renoncer à fleurir. Sous leur feuillage, des escargots, en attente d'une ondée, pensent avoir trouvé la planque idéale. Pourtant, ils devront déménager avant l'hiver.
Cacun à sa façon se retire du monde. Les araignées continuent de tisser et d'exposer leurs dernières toiles dans  l'espoir de piéger quelqus calories, alors que les tritons sont déjà engourdis début octobre. J'en ai déniché quatre en déplaçant un tas de briques. Honteuse, je les ai placés au pied d'un mur et couverts d'un gros paquet de feuilles mortes. Mon érable en distribue par brassées. C'est inoui, le volume de ses feuilles au sol ! Certes, c'est l'arbre le plus grand du jardin, et il ne fait rien en catimini, il attend que ses feuilles soient d'un jaune éclatant pour les abandonner avec brio. Mon noisetier, lui, est plus discret. Il s'éclipse en douce, aidé par son feuillage roux. C'est certainement le plus vieil arbre du jardin. J'ai l'impression de l'avoir toujours vu ici. Chaque automne, je crains qu'il ne livre son ultime récolte. Mais cette année encore, ses noisettes bien pleines abondent. La raison voudrait que je laisse quelques jeunes pousses qui se pressent à son pied prendre le relais. Mais j'ai peur de vexer l'ancêtre. Les pommiers, eux aussi, livrent leur production. Les premiers fruits tombés sont moches, véreux ou pourris au ceur. Je les laisse aux merles.
Au fond du potager, les vendangeuses, ces marguerites d'automne, poussent leurs fleurs à plus d'un mètre cinquante du sol. Les papillons se pressent autour de ces dernières buvettes. J'en compte parfois jusqu'à  6 espèces différentes. A leur pied, les potirons, nés sous le signe de l'excès, sont monstrueux. Ils débordent de toutes parts sur la tuile censée les isoler du sol. Il est temps de mettre les bulbes sous terre : des gros, des petits, des tulipes, des narcisses, des muscaris. Comme tous les ans, j'ai la flemme d'etiqueter mes plantations et, dans quelques mois, j'aurai tout oublié. Peu importe, si les fleurs sont au rendez-vous.

Comme une plage sans estivant, il devient plus grand quand le froid affaisse l'herbe et vide le potager. Les arbres dépouillés et les allées désertées dessinent les lignes verticales et horizontales de son squelette. Au fond, un lierre fougueux avait depuis plusieurs années jeté son dévolu sur un vieux poirier. Et le fruitier, usé par la vie, avait cédé à cette étreinte, abandonnant ses branches. Le rouge-gorge s'y postait avec entrain et je ne me décidais pas à abattre ce poteau, vert en toute saison. J'en parle au passé, car cette année, un coup de vent l'a emporté. Le poirier n'avait plus de racines. Dans sa chute, il a frôlé le vigoureux houx. Celui-ci prend à présent ses aises dans l'espace libéré. Chaque année, il fête Noël, paré d'une multitude de petites boules rouge éclatant, pourtant je ne parviens toujours pas à le voir en fleur.

Avec le gel, mon jardin parâit tout propre. Dans les buissons, ponctués de nids de merle abandonnés, c'est le silence. Les inflorescences d'orpin desséchées et décolorées s'accomodent de l'air du temps. Le givre épouse avec habileté leurs tortueux contours. Il masque les cocons de feuilles sèches bloqués par des branches de sapin, qui protègent les frileuses racines. Hors de ces paillages, le gel fait le ménage. Il élimine les plantes les plus faibles, détruit les ravageurs en pénétrant au coeur des oeufs, des larves et des insectes endormis, il fait fuir les rongeurs. Je tolère juste quelques souris grises à la cave, tant qu'elles ne se montrent pas trop voraces avec mes pommes.
Au potager, les poireaux se dressent, stoïques, sur leur unique pied. Impossible de les arracher. La mâche aux feuilles ourlées de givre se blottit un peu plus au creux de sa rosette. Elle ne réclame rien, ne souffre pas, du froid, et ne se plaint pas des limaces. Elle s'en va parfois, solitaire, prospérer entre les rosiers. Mon jasmin d'hiver se moque des sales journées bruineuses. Il affiche une mine resplendissante. Contrairement à son cousin blanc qui embaume au printemps, ses corolles jaune vif s'épanouissent l'ihiver sans dégager aucun parfum. Ses tiges sarmenteuses sont incapables de supporter leur propre poids ou de s'enrouler d'elles-mêmes. Comme je n'ai pas choisi de le contenir sur un treillage, il s'affale sur le talus tel un fauve endormi. L'hiver au jardin, le temps semble arrêté. Il faudrait planifier les travaux des prochaines saisons mais le rêve prend le pas. Les fleurs parfaites et les fruits joufflus des catalogues sont séduisants. Tout paraît à nouveau possible. Alors, j'oublie l'exubérance estivale et mes sages résolutions de réduire, l'an prochain, mes cultures potagères."

Voilà où me porte mon imagination... sur le jardin des autres.
Depuis mon HLM, et mon petit balcon, même s'il est spacieux, je laisse courir ce magnifique coup de coeur sur un jardin comme en rêvent beaucoup.
Même dans un jardin potager, je m'amuse sur son parterre coloré.
Je vous laisse comparer vos jardins avec celui-ci...




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N
Comme c'est bien décrit,on s'y croirait.Bon mardi et A+
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L
Tu as un jardin sur le balcon de ton HLM ?bonne journée Sonja...
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F
Merci pour ton passage...Roanne ? presque voisines alors...Bravo pour ces photos, elles sont superbesfra
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M
Tu as fait un bien joli rêve car il a l'air d'être  très beau ton jardin.;)bises Sonjajaguar placide
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A
Papillon du soir, espoir...Mon petit pont romanL'Hyrôme en crue...Ad'A
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